Ces deux textes furent écrits lorsque j'étais en seconde au lycée pour un concours sur le thème de la voix, réservé aux classes de français. C'était la première fois que j'écrivais un texte destiné à être lu en public : devant les élèves de mon cours puis devant jury. Le premier a beaucoup plus à ma classe et à ma professeure et fut choisi pour être présenté au jury national mais n'a malheureusement pas été retenu. Le second est la version initiale de ce projet que j'ai décidé de ne finalement pas garder car je n'en étais pas satisfaite. Voici donc mes fragiles premiers pas.
Extrait du film d'animation "Destino", Salvador Dali et Walt Disney
"La ferme ! La ferme !"
Rire.
"Assez !"
Rire.
Encore ce rire. Toujours ce rire.
Incessant.
"Pourquoi ?! Va t'en !!
-Que tu es drôle…"
Elle soupirait à présent.
Constamment, je l'entendais dans ma tête. Dans chaque recoin de ma tête.
Le visage enfoui dans mes mains, les yeux enflés par les larmes et la fatigue. Accroupi, je me balançais, d'avant en arrière, rongé peu à peu par la folie.
Tantôt elle me disait "Je t'aime", tantôt elle me disait "Crève ! Crève comme tu m'as crevée ! Crève ! Crève !"
Ensuite, elle riait.
Son rire sonnait tel des clochettes.
Souvent, elle hurlait. Comme si on la torturait, comme si on lui arrachait les entrailles avec une pince chauffée à blanc, comme si on la plongeait dans l'huile bouillante.
Je sursautais à chaque fois.
La nuit, elle me contait les moments passés ensemble en appuyant sur les "avant" et les "ça ne sera plus jamais pareil". Lorsqu'elle terminait son récit, elle gémissait, sanglotait. Poussait des cris entre deux hoquets.
Elle riait encore. Encore. ENCORE.
Elle fredonnait la marche funèbre. Celle qui avait été jouée pour son enterrement. Après son suicide.
À force de me le répéter, elle m'avait convaincue. C'était ma faute.
Oui.
Tout était ma faute. Absolument tout.
Je pleurais à mon tour. Je l'accompagnais dans sa lamentation.
"Rejoins-moi... Je t'en prie…"
Le carillon tinta une nouvelle fois.
Ce rire que j'aimais tant autrefois était en train de me bouffer de l'intérieur.
"Pourquoi tu ne veux plus de moi ? Je ne suis pas assez bien pour toi c'est ça ? Pourquoi tu m'as quittée ?! Réponds moi !!"
Elle hurlait à s'en décrocher la mâchoire. Pareil à un animal que l'on égorgeait.
Torturé, épuisé, éreinté, rendu fou, j'empoignais un couteau, me l'enfonçant dans le cœur.
Et poussais un cri de douleur.
C'est cette voix qui m'a charmée. La sienne. Pas celle d'un autre. On aurait cru un ange. Que faisait cet être céleste sur Terre ? Le son qui émanait d'entre ses lèvres vermeilles m'aurait fait douter s'il n'était pas juste en face de moi, si je ne le voyais pas de mes propres yeux. Depuis, sa voix me suit partout où je vais, jamais je ne souhaiterais l'oublier. Lorsqu'il me parle, il a toute mon attention : peu importe les paroles, je les bois, je n'écoute pas les propos, j'écoute les sons qu'il prononce. Je voudrais fermer les yeux et l'écouter inlassablement, en boucle. Lorsqu'il me murmure à l'oreille, c'est un délice, j'ai le vertige, je suis comme hypnotisée par ses mots voluptueux. Le carillon résonne et j'ai la soudaine sensation de me retrouver dans le néant : tout disparaît autour, seul son timbre se fait entendre. Privée d'oxygène, il faut que je me souvienne que j'ai besoin de reprendre mon souffle, que je remonte à la surface tant je suis submergée. Me priver de mes tympans serait le pire châtiment que l'on pourrait m'infliger. Sa seule voix suffit à m'apaiser, à me faire vivre. Elle coule à flots dans mes veines.