"Bribe furtive 1" et "Bribe furtive 2" me sont venus quand je travaillais en tant que stagiaire à la librairie du Brouillon de Culture de Caen. Qu'est-ce qu'on en voit de la poésie derrière un comptoir de caisse, sans même avoir besoin d'ouvrir un livre. J'aurais aimé pouvoir en écrire plus mais je n'avais pas vraiment le temps. "Pas-chat" était un petit défi donné par une amie dans un moment de flottement à partir du mot pacha. "Un mystère familial" a trouvé sa source dans un carnet offert par mon amie Noëmi : c'est un livre de jeux, si on peut appeler ça comme ça, où sont proposés des défis d'écriture. Avec un titre et des mots-clefs à placer. Pour celui-ci, le titre était "Un mystère familial résolu" et les mots étaient dimanche, secret, papier peint, échanger, curiosité, Irlande, carnet, marathon et demande. J'avais prévu de le faire beaucoup plus long mais je ne maîtrise pas du tout les codes du policier, j'étais frustrée. Je n'ai donc pas placé tous les mots, et j'ai encore moins résolu l'enquête. Quoique ? J'ai peut-être écrit un texte sur la désillusion finalement.
Just one more chapter, Cassie Bourque (2023)
Elle passe devant le comptoir.
Les clients se poussent face à son pas pressé.
Son regard hagard croise le mien, souriant.
Mais son pas s'accélère.
Tout juste si j'ai eu le temps d'apercevoir
Le livre serré sous son bras
Contre son pull vert bouteille
Un beau-livre au titre doré
Et sur la couverture un portrait
Le visage royal de Toutankhamon
Qui porte dans ses yeux
La même détermination puissante que Clémence.
Le moment était rapide
Mais la scène est passée au ralenti
C'était beau.
Sa carte de fidélité est tachée, quelque chose a dû se renverser dessus et l'a colorée en jaune, la déchirant par endroits. Je lève les yeux, vers son visage abîmé, attirée par l'odeur d'alcool moite qui se dégage de sa présence. Elle me donne ses billets pliés négligemment et je lui dépose les pièces de monnaie dans sa paume humide.
Sans titre, Juliette Mancini (2025)
Ma maîtresse me caresse le dessus de la tête. Aujourd'hui j'ai décidé d'être sage mais indifférent. Si elle voulait me faire des grattouilles d'accord, sinon tant pis, je pouvais bien m'en passer pendant un temps. Et puis, comme ça je lui manquais, elle craque toujours la première. Hier, j'ai miaulé toute la soirée pour qu'elle s'intéresse à moi, j'ai même fait tomber un vase pour avoir son attention. Ça a fonctionné, mais pas dans le bon sens : je me suis fait enguirlandé. C'est pour ça que je lui fais un peu la tête. Elle est sur le canapé et regarde la TV. Au bout d'un moment, elle remarque que je ne la rejoindrai pas et c'est elle qui vient dans le lit. On se réconcilie en faisant l'amour comme des bêtes et comme tous les soirs à 23h, je m'en vais rejoindre ma femme et mes enfants. Mais chut, ils ne sont pas au courant.
Collective Unconscious, Miles Johnston (2021)
Et si le vent porte le monde
Et si la pluie coule sur l'asphalte
Ma chaleur épouse la terre
Le soleil comme horizon
Clair-obscur d'un bord de mer
Caché par l'ombre
Après le suicide de sa sœur, la vie de Colin est devenue un véritable marathon. Laure avait laissé derrière elle le chagrin, le chaos, l'incompréhension. Si tout le monde avait essayé d'oublier la vue du corps au bout de la corde, Colin restait sceptique. Il était anéanti, mais ne croyait pas au suicide. Laure était une jeune femme isolée, mais une jeune femme curieuse, qui ne se laissait jamais abattre. Ces derniers temps, elle s'était encore plus murée dans sa solitude. Les policiers y avaient vu un symptôme de la dépression, et les parents, fatigués et résiliés, s'étaient contentés de cette version, mais pas Colin. Alors il avait fouillé : d'abord la chambre de Laure, mais il n'avait rien trouvé d'anormal : des plantes, des livres en tout genre, rien de suspect en somme. Il s'était ensuite attaqué à la salle de bain, à la cuisine, au grenier, au garage, en vain. Jusqu'au déclic. Quelques jours avant sa mort, elle avait offert à son petit frère son globe terrestre, celui qu'elle avait utilisé pendant des années pour ses devoirs de géographie et ses rêves de voyage. Il trônait sur le bureau de Colin, attendant que celui-ci daigne enfin le faire tourner sur lui-même, ou au moins s'en serve de lampe de chevet. Le petit garçon avait branché le globe, espérant que cela fasse apparaître un message secret, et s'était frappé le front à cause de sa bêtise. À travers le plastique illuminé, une forme rectangulaire était apparue. En dévissant la planète, il avait trouvé le carnet. Un petit carnet tout simple, avec une inscription sur la couverture : "Stay alive". À l'intérieur, rien.